L'intelligence artificielle au CERN

 

Le CERN utilise l'un des équipements scientifiques les plus complexes jamais construits, qui s'appuie sur des systèmes de contrôle sophistiqués et produit des pétaoctets de données. Assurer le bon fonctionnement de cet équipement et effectuer l'analyse des données recueillies sont deux tâches qui demandent énormément d'attention. C'est la raison pour laquelle le CERN se tourne de plus en plus vers le vaste domaine de la recherche en intelligence artificielle pour résoudre certains obstacles rencontrés lorsqu’il s’agit de traiter des données, de manipuler des faisceaux de particules et d’assurer la maintenance de ses installations.

La notion moderne d'intelligence artificielle a vu le jour au milieu des années 1950, à peu près au moment où le CERN a été créé. Le terme prend une signification différente selon le contexte ; le CERN s'intéresse davantage à l'intelligence artificielle dite restreinte, c'est-à-dire axée sur les tâches, qu'à l'intelligence artificielle générale, qui a trait à des aspects tels que la résolution indépendante des problèmes, ou même la conscience artificielle. Les physiciens des particules ont été parmi les premiers à utiliser des techniques d'intelligence artificielle dans leur travail, adoptant l'apprentissage automatique dès 1990. Outre l'apprentissage automatique, les scientifiques du CERN s'intéressent également à l'apprentissage approfondi (Deep Learning) pour analyser le déluge de données produites par le Grand collisionneur de hadrons (LHC).

 

Gérer un déluge de données

Avant même que le LHC ne commence à faire entrer en collision des faisceaux de protons de haute énergie, en 2010, la communauté de la physique des particules recueillait déjà des quantités de données sans précédent. Dans les détecteurs du LHC, les particules entrent en collision jusqu'à 40 millions de fois par seconde, chaque collision produisant environ un mégaoctet de données, beaucoup trop pour être stockées sans filtrage préalable.

Les scientifiques doivent programmer leurs systèmes d'acquisition de données pour sélectionner les événements méritant une analyse tout en écartant les données sans intérêt, mais également examiner des milliers de milliards d'événements de collision stockés, à la recherche de signatures de phénomènes physiques rares. Pour rendre ces tâches plus efficaces, ils se sont tournés vers l'apprentissage automatique, un sous-domaine de l'intelligence artificielle. En fait, les quatre collaborations principales du LHC (ALICE, ATLAS, CMS et LHCb), ont créé un groupe de travail inter-expériences sur l'apprentissage automatique pour suivre l'évolution des tendances dans ce domaine. Les chercheurs collaborent également avec la vaste communauté de la science des données pour organiser des ateliers visant à former la prochaine génération de scientifiques à utiliser ces outils, et à encourager les recherches originales dans le domaine de l'apprentissage approfondi. ROOT, le programme informatique mis au point par le CERN et utilisé par les physiciens du monde entier pour analyser leurs données, est doté de bibliothèques d'apprentissage automatique.

 

Travailler dans des environnements extrêmes

Les installations d'expérimentation du CERN peuvent être temporairement classées comme zones à haut rayonnement, ce qui rend impossible toute intervention humaine pour effectuer des réparations ou remplacer des équipements. Le CERN a donc conçu des robots autonomes pour effectuer des tâches dans ces secteurs, qui comprennent le tunnel du LHC. Le département Ingénierie du CERN, qui construit et entretient ces robots, utilise des techniques d'intelligence artificielle pour aider les robots à se déplacer de façon autonome et à décider quelles actions mener dans ces environnements de rayonnements.

L'apprentissage automatique est également utilisé dans le complexe d’accélérateurs du CERN pour anticiper et éviter les défaillances des équipements, ainsi que pour améliorer la qualité des faisceaux de protons à haute énergie que le Laboratoire fournit à ses expériences. En outre, des physiciens étudient comment des techniques similaires pourraient rendre le travail de ceux qui font fonctionner les accélérateurs plus efficace, plus fiable et peut-être même autonome.

 

Introduire des techniques de pointe au CERN

Non content d'utiliser la robotique et l'intelligence artificielle pour entretenir ses machines sophistiquées, anticiper les défaillances des différents éléments et assurer la sécurité, le CERN a compris l'importance de faire appel à des experts en intelligence artificielle externes pour des projets menés au Laboratoire.

CERN openlab est le partenariat public-privé qui permet au CERN de mettre sur pied la plupart des collaborations avec des chercheurs et des entreprises de renommée mondiale experts en intelligence artificielle. CERN openlab a lancé plusieurs projets d'apprentissage automatique, notamment pour améliorer les systèmes de contrôle industriel, simuler les conditions à l'intérieur des détecteurs de particules après des collisions à haute énergie, ou étudier les futurs algorithmes d'apprentissage automatique quantique. Grâce à ce partenariat, les ressources du CERN en matière d'intelligence artificielle servent aussi à des actions humanitaires ; CERN openlab a récemment organisé une conférence sur les questions d'éthique liées à l'utilisation croissante de l'intelligence artificielle dans le monde.

En outre, le CERN souhaite utiliser son savoir-faire en intelligence artificielle pour avoir un impact positif sur la société toute entière. C'est à cette fin que le groupe Transfert de connaissances du CERN collabore avec les acteurs des secteurs automobile, financier et pharmaceutique.